4ème jour

Vers cinq heures et demie du matin Naji a tambouriné à la porte. Il ne pleuvait pas. Simo s'est levé. Ensuite le réveil de son portable a sonné. J'ai écarté les deux grosses couvertures de laine et remis en place les coussins du canapé avant de sauter dans mon jean et de chercher un short dans le sac à dos.

- Salamaleckum ! ça va ?

- Salut Naji, t'es venu à pied ?

- Oui, il est venu à pied me répond Simo. On a de la chance, il fait beau. Viens manger, le café va être prêt.

Vite fait, on à bu le café. Dehors le ciel était limpide, éclairé par la lune et les étoiles. En sortant j'ai vu que Naji claudiquait légèrement.

- Tu boites ?

- Oui... mal... un chouia... ça va, courir un p'tit peu, ça va.

Momo sort le fauteuil de course offert par une compagnie d'assurance. Ça fait du monde dans la petite Peugeot mais Naji, maître dans l'art se de plier en quatre, refuse catégoriquement de me laisser le coffre.

Arrivés sur la corniche le ciel bleuissant a viré au noir. Momo met sa tenue de sport, ses gants spéciaux pour le fauteuil roulant. Naji chausse sa prothèse de course et part en petite foulée, je suis, Momo met son fauteuil en branle et il se met à pleuvoir comme vache qui pisse...

...Il fait un vent à décorner les bœufs. C'est à peine si Simo ne recule pas avec le fauteuil. Je m'applique tant bien que mal à rester derrière Naji qui rebondi sur sa lame carbone comme un kangourou. Lui; la pluie et le vent, il s'en fout. Sa blessure à la jambe aussi semble-t-il. Lorsque Le « ratar » décide un truc, rien ne peux l'arrêter, et moi je cavale derrière à vingt bons mètres maintenant, Momo; lui, est loin derrière nous. Ça c'est pour le paysage de devant et de derrière. Pour la droite et la gauche, les vagues furieuses de l'Atlantique se ruent à l'assaut de la presqu'île de Sidi Abderhamane, de ses sorcières et de ses Djinns, et à droite l'immense bidonville se protège derrière la palissade de tôle ondulée du regard importun des touristes. Je suis trempé, il fait froid, Momo et moi bossons dans trois quarts d'heure. Qu'est ce qu'on est venu foutre ici ?

Naji s'arrête. On attend Simo. Il arrive au bout de dix minutes, à l'agonie.

- A moi de rigoler maintenant ! Et il fait faire un demi-tour rageur à son fauteuil sur le boulevard avant de repartir à quarante à l'heure, nous laissant comme deux cons, Naji et moi.

Naji commence à peiner et à boiter. Je crois que voir Simo devant lui fait encore plus mal que son écorchure à la jambe. Ça me rappelle le raid VTT que j'avais organisé dans les Hautes-Vosges: Julien Absalon, champion olympique de la spécialité avait parrainé l'épreuve et s'était offert d'être le pilote du tandem du non-voyant : Naji voulait absolument réussir à le suivre, se moquant bien de savoir si il avait été quatre fois champion du monde ou non. Ce jour là il avait fallut attendre le troisième tour pour qu'après une chute qui le contraint à l'abandon, Naji déclare admiratif: « Grand champion, Julien grand champion ».

Naji n'avait pas changé. Voir son pote s'envoler en fauteuil roulant poussé par un vent de 75 km/h lui cassait son moral de coureur unijambiste...

...La pluie s'est arrêtée lorsque nous avons rejoint la voiture. Nos vêtements étaient à tordre. Dans la Peugeot l'air était tellement saturé d'humidité qu'on aurait dit qu'il allait se remettre à pleuvoir...

Simo à arrêté la voiture devant un café. Nous sommes sortis. Nous avions froid. Naji voulait me parler.

- Je pas fais beaucoup entrainement cette année. Beaucoup problèmes. Très difficile. 2009 beaucoup entrainement. Beaucoup sport. C'est bon? Moi fédération athlétisme, c'est bon, tu compris ?

Je sais pas quoi répondre. On dirait que Naji cherche à se justifier de son manque d'entraînement mais je ne sais pas encore pourquoi.

- Beaucoup problème d'argent, très difficile. Aïe, aïe, aïe! Mon oncle, hôpital. 40 000 dirhams; Aïe, aïe, aïe! Pas d'argent. Tu compris ? quand problème finis, beaucoup entrainement.

Lorsque Naji est venu en France avec toute l'équipe des amputés marocains, il avait, comme tous les autres, le plan de rester en Europe. Lorsque tous, excepté Momo se sont fait la belle, condamnant au passage l'essentiel de mes projets associatifs, j'ai cherché à convaincre naji de repartir au Maroc. J'étais convaincu qu'il n'avait aucune chance en Europe : il n'avait aucune formation, pas d'expérience professionnelle. Il vivait dans le giron protecteur de sa mère et de ses sœurs à qui il commandait mais dont il dépendait entièrement. De tout le groupe, il était le seul à ne pas avoir de famille sur notre continent. Je l'ai convaincu qu'avec ses qualités physiques hors du commun il pouvait faire parler de lui au Maroc s’il se mettait à fond dans la course à pied. Je lui ai promis une prothèse de course à pied : il serait le premier maghrébin ainsi équipé. Je lui ai promis une aide financière de la part de notre association s’il apportait la preuve d'une inscription à la fédération et d'un entrainement régulier. Comme nous étions en route pour l'aéroport de Strasbourg d'où il devait embarquer pour Casablanca et qu'il s'accrochait toujours à son idée fixe mon ami qui conduisait à stoppé la voiture en pleine campagne en l'invitant à descendre sur le champ, qu'il était libre d'aller où il voulait mais qu'il se démerde. Et là Naji à vraiment eu peur. Il est resté dans la voiture jusqu'à l'aéroport et il a pris l'avion. L'année suivante je suis venu à Casa avec la prothèse de sport et Naji s'est mis à courir. Le jour du cross de la corniche il a rencontré le roi qui l'a invité à venir au palais pour être présenté. La nouvelle a fait le tour de Casa et Naji a eu du travail deux semaines plus tard avec un arrangement horaire pour son entrainement. Mais naji ne supporte pas d'être commandé et il est parti. Quand à moi j'ai payé cher ma générosité envers lui. Cela n'a pas du tout reçu l'approbation des membres de l'association qui ont cessé de vendre les livres de notre raid VTT qui alimentaient la trésorerie. Alors j'ai enfin compris qu'il ne fallait jamais rien promettre. J'ai tout expliqué à Naji mais il n'a jamais pu digérer de n'être pas resté en Europe et continue de voir en moi celui qui pourvoira à ses besoins. Je comprends à présent qu'il serait bien que je lui donne un peu d'argent pour qu'il reprenne ses entrainements. Je le soupçonne même de n'être venu s'entrainer ce matin que dans ce but.

- Ce soir, tu viens manger, maison. J'ai dit ma mère.

- Pas ce soir Naji, vendredi si tu veux.

- Pas de problème, tu viens ce soir. D'accord ? ma mère fait la cuisine, ok ?

- vendredi.

Il réfléchi un peu.

- C'est d'accord vendredi, tu viens dormir.

- Ça marche, mais je dois être à huit heure rue Souktani, c'est d'accord ?

- Pas de problème. Met réveil, téléphone. Le bus, et pfuitt, pas de problème.


Il était presque huit heures. Simo nous déposa aux anciens combattants. Naji vint avec moi à l'atelier. Je tenais à montrer aux stagiaires sa prothèse de course. Naji leur fit une démonstration dans la cour.

Pendant ce temps je me réfugiai dans le bureau de Patrice pour le transformer en sèche-linge.

Naji repartit. Ce fut au tour des patients de faire leur entrée.

Les premiers essais des prothèses étaient prometteurs: Khalil, pris en charge par Malika et Bouchra allait bénéficier de pieds à restitution d'énergie en carbone récupérés par l'association de Patrice. Pour l'instant le montage n'était pas encore fait mais il se sentait bien dans les emboitures. Sont rêve de pouvoir re danser deviendrait peut-être réalité.

Pour Hammed, ça n'était pas encore gagné. Il se plaignait d'une grosse gène du coté de la désarticulation et il fallait adapter. L'essai de l'autre emboîture, par contre, ne posait pas de problème.

La prothèse de Brahim confectionnée par Hammed et Abdel était presque terminée. L'essais avait été concluant du premier coup et sans adaptation. Nous aurions peut-être le temps de lui faire un appareil de rechange.

Vint le tour de Hanane. Elle qui se cachait toujours pudiquement derrière un voile et nous tendait sa manche à la place de la main pour saluer les prothésistes masculins ne montrait aucune gène lorsque Jamilla et Hamid devaient vérifier les appuis et les bonnes limites de ses prothèses, pourtant autrement plus invasive pour l'intimité. Hanane était par contre exigeante et précise pour signaler les défaut de ses emboîtures et suggérer les adaptations. Grâce à sa participation active, l'appareiller devenait presque facile.

C'est Niama qui nous posait le plus de problème. Les moulages n'étaient pas assez précis. Youssef et Tarreck m'énervaient par leur manque d'initiative et l'obstination dont il faisaient preuve à ne pas regarder la réalité en face: Les emboitures étaient beaucoup trop larges. Les retouches qui s'imposaient étaient tellement importantes que j'avais envie de leur faire tout reprendre à zéro. Mais le temps manquait.
J'ai proposé à Patrice de reprendre les moulages en dehors de la formation pour les retravailler en France pour lui confectionner des manchons en silicone qui permettraient de mieux contenir les volumes. En attendant nous devions faire de notre mieux pour lui fournir deux prothèses utilisables.
Évidemment mon impatience était stupide. Youssef et Tarreck avaient beau prendre toutes les mesures du monde, nous n'avions pas ici les moyens techniques à la hauteur des problèmes que posait l'appareillage de Niama. Sa mère lui offrit des bonbons pour la consoler...

Brahim, hammed et khalil séjournant au centre d'appareillage durant toute la durée du stage, il ne restait que les rendez-vous de Hanane et Niama à déterminer. Avec Hanane nous sommes décidé pour le lendemain et nous avons dit à la mère de Niama de ne revenir que le dernier jour de la formation à cause de l'importance du travail à réaliser sur ses prothèses en espérant le moins mauvais résultat possible.

Avec Hiba, nous avons entrepris de réaliser un appareil de rechange pour Brahim. Hiba venait de Al Océma, une ville blottie sur un éperon rocheux avancé dans la Méditerranée et qui fit parler d'elle lors du terrible tremblement de terre qui ravagea cette région. Là bas le travail n'aurait pas manqué si le beau centre inauguré récemment par le roi avait disposé de matières consommables. En un an Hiba n'avait pas eu la possibilité de réaliser un seul appareil...

Chacun avait pris ses repères dans l'atelier à présent. Une certaine convivialité s'installait entre les patients et l'équipe. J'étais le seul, apparemment, à rester tendu et nerveux. Ce soir là comme tout les soirs depuis mon arrivée je quittais l'atelier fourbu, inquiet et les pieds encore humides de l'escapade matinale.

Simo m'attends devant l'entrée du centre. Il fait évidemment nuit mais le ciel de Casa est plus noir que jamais et l'air est glacé. Pendant que l'opiniâtre essuie glace de la 205 balaie la buée extérieure, j'exécute le même geste à l'intérieur à l'aide d'un chiffon afin de permettre à Simo de se faufiler à toute allure entre les bus, les 4X4 , les chevaux et les cyclistes tout en évitant le plus consciencieusement possible les piétons qui se pressent sur le bas coté. Son système bricolé pour passer les vitesses à la main a bien un peu de mal à revenir en place mais je réussi à desserrer le boulon d'un coup de clé anglaise pendant qu'il manœuvre et nous arrivons tous les trois ; Simo, la voiture et moi, en haut de l'avenue du 2 mars.

Ce fut le premier d'une série de miracles.

Casa devint tout blanc.

Les enfants sortirent de leurs maisons. Les plus Hardis prenaient la grêle à pleines mains pour la lancer dans la tronche de leurs copains, d'autres essayaient de faire des glissades.

- J'ai jamais vu ça ! me dit Simo émerveillé. Il restait scotché derrière le pare-brise embué. Dans la station service où nous devions laisser la voiture pour la nuit chacun riait et parlait fort. Une sorte d'euphorie s'était emparé de tout le monde.

- Ça se calme un peu Simo, on tente une sortie ?

- Ok on y va.

Prudemment nous avons rejoins la maison. Salah nous à ouvert en riant. Zarah aussi excitée que les autres avait perdu toute distance. Soukaïna nous à donné des serviettes pour nous essuyer les cheveux.

C'est alors que dehors des cris et des paroles proférés dans un mélange d'Anglais, de Français et d'Arabe ont précédé de violents coups de poing sur la porte métallique.

Salah est reparti ouvrir.

Mostapha se tenait devant l'entrée, soutenant par l'épaule un colosse revêtu d'un immense pardessus feutré, une béquille dans chacune des ses mains grosses comme des battoirs.

Le mec s'est affalé sur la banquette en entrainant presque Mostapha dans sa chute. Ce dernier m'a regardé un peu gêné avec l'air de quelqu'un qui s'excuse et m'invite à me rendre à l'évidence des faits: les Lahna ont un ami alcoolique.

Raide dans son manteau gris foncé perlé de gouttes d'eau de la glace à présent fondue, ses yeux vagues et larmoyants se sont progressivement ajustés vers ma personne. Il a ouvert les lèvres et s'est mis à bredouiller :

- Ana la chaia (je suis rien)... (mostapha lui tape tendrement l'épaule).

Il prendre la peine de me traduire en anglais de la même voix lamentable :

- I'm no think (Simo se dirige vers lui).

- Sidi-mohamed goulia sir bhalek (il demande à Simo de lui ordonner de partir d'ici).

Il fixe à nouveau mon regard interrogateur. Je n'en reviens toujours pas de la présence de ce type, de cette espèce de bouleversement d'un mètre quatre vingt quinze complètement improbable en sein de cette harmonie familiale. Ma présence inconnue, à lui aussi, lui souffle que c'est à lui de fournir une explication. La sienne à déjà tout envahit ici. D'un air aussi lamentable que remplit d'une autorité indiscutable il déclare en me regardant.

- Rebhet une médial f'les jeux olympique de natation (J'ai gagné une médaille aux jeux para-olympique de natation).

Avant d'ajouter :

- Walakine ana la chaia (mais je suis rien).

Et d'éclater en sanglot. Mohamed serre dans ses bras ce type deux fois plus grand que lui. Et en pleurant à moitié lui aussi me déclare :

- C'est presque mon père, mon frère...C'est pour lui que je fais du sport...

Amis lecteurs, toujours plus de suspense !
Dans le prochain épisode J-Luc aura t-il encore une clé anglaise à porté de main ?
La soleil sera-t-il de retour à Casa ?
Découvrirons nous l'identité et le parcours du nageur médaillé olympique ?
La suite J-Luc !

Tu intervient pile poil sans le savoir, Cath, car ici se termine mon méticuleux carnet de voyage rédigé il y a 4 ans. J'avais arrêté à la suite d'une sorte de ras le bol général et je m'étais toujours promis de le reprendre. Je compte sur la dynamique du forum pour trouver l'énergie de poursuivre. J'ai en effet des tonnes de choses à raconter encore sans tout à fait savoir par quel bout le prendre et comment le terminer. Mes épisodes risques de devenir plus rare et plus brefs à présent. On est parti pour un bout de temps.

A si, je tue tout de suite le suspense: Le bébé de Simo et de Ru chen vient de naître avant hier en Californie. Nul ne sait encore si il sera américain, chinois, québecois, marocain ou tout à la fois, et d'ailleurs on s'en fout complètement. Avec des parents pareil ce sera un lion.........

Tu dis que tu es parti pour un bout de temps... bien, il y aura donc une suite que nous pourrons lire le moment venu
En attendant je suis curieuse de connaitre le nom de ce nageur médaillé aux jeux para-olympique ... est ce que tu veux bien nous le dévoiler ?

C'est une belle nouvelle que l'arrivée du BB de Simo et de Ru Chen !

Il s'appelle El Biar Abdeljalil. Il a lui même tenté de coucher son histoire sur papier. Simo lui a fait part de mon envie de la poursuivre et je sais qu'il en a été heureux. Je ne sais pas si je le ferai un jour.

Ce qui est certain c'est que mon récit va faire un petit détour du coté de cet immense personnage.

...Aller, je me lance direct et sans filet...


Lorsque El Biar Abdeljalil fut le troisième nageur de sa catégorie à toucher du bout de ses doigts le carrelage de la piscine olympique de Séoul, le 3 octobre 1988, il savait que sa vie venait de faire la culbute qu'il avait si minutieusement espérée depuis 10 ans à force d'un travail acharné dans le bassin de 50 mètres de Casa.

Cette gestuelle l'avait à la fois isolé et rapproché du reste du monde. De ces fameuses culbutes de la vie dont il rêvait il n'avait connu que celles, exécutées à la perfection lors de chaque virage, toutes les 30 secondes ponctuant la succession infinie du mouvement de ses bras; locomotive humaine surpuissante que ses jambes trop fines suivaient passivement dans un sillage sans remous.

C'est en revenant d'un de ces entraînement dans un de ces petits taxis rouges qui signent le paysage urbain de Casablanca que Abdel rencontra Mostapha, le père du petit Mohamed alors âgé de 10 ans. Mostapha aida avec empressement Abdel à entrer dans la 205 trop petite pour lui, à caser ses jambes sous le siège avant, et ses béquilles en diagonale sur le siège arrière avant d'entamer immédiatement une discussion à propos de son fils, son handicap, ses difficultés, les espoirs qu'il plaçait en lui et surtout l'idée que ce fémur absent dès la naissance ne devait jamais empêcher Mohamed de mener la vie auquel il avait droit comme tout un chacun. Son fils devait apprendre à se battre et Abdel était pour Mostapha la preuve éclatante que la patience et le courage payaient toujours. Qu'importe que la route empruntée ne soit pas celle des autres: Allah savait où il menait les hommes.

Ce jour là Abdel n'est pas rentré chez lui. Il a rencontré Mohamed, et, avec Zarha et Mostapha, ils ont décidé qu'il l'accompagnerait à l'entrainement de natation à chaque fois que l'école lui en laisserait le temps.

A partir de ce jour et plusieurs fois par semaine, on a vu la petite 205 rouge faire un détour par la piscine olympique de Casa, tout près du Boulevard Soukrate à 4 km du centre de la ville, si tant est que cette ville ait un centre, pour y amener son fils.

A partir de ce jour et plusieurs fois par semaine, on a vu à la piscine Mohamed V, deux drôles de silhouettes apparaître sur le seuil du pataugeoire ; Abdel et Momo, le grand et le petit, Abdel impérial malgré ses deux béquilles, et Momo au bras de ce géant, tout fier mais un peu intimidé tout de même, d’exposer ainsi en public et en maillot de bain sa jambe atrophiée.

Abdel a apprit à Mohamed à prendre appui sur l’eau, à inspirer avec force, à utiliser au mieux la jambe dont lui même avait perdu l’usage et l’autre pour équilibrer le corps… Alors Mohamed a fait peu à peu de l’eau son deuxième élément et perdu la peur du regard des autres. Mieux que cela ; il a commencer a voir qu’on l’admirait. Mais surtout Mohamed voulait suivre Abdel dans cette voie qu’il lui avait permis de suivre.

Et puis un jour, Abdel est parti aux Etats unis pour s’entraîner avec des nageurs américains en vue des jeux olympiques de Barcelone…

J'aurai dû relire: pédiluve et non pataugeoire, et puis "cette voie qu'il avait ouvert" irait un peu mieux. Je suis ouvert à toute suggestion

Des personnes, des parcours qui sont intéressants à découvrir ... je me languis (comme on dit dans le sud) de lire la suite.
J'admire le personnage du père qui va de l'avant avec son fils


Je me retrouve peu ou prou dans le récit évoquant les "premiers pas" à la piscine, l'apprentissage de la flottabilité avec un corps différent, et le dépassement des premiers regards étonnés des nageurs dans la ligne d'eau. Au fils des semaines ces regards sont devenus familiers, amicaux, et dans une certaine mesure admiratifs.

J'aime bien la description que tu en as fait.

Alors là j'en suis ravis car cette description est purement imaginaire même si elle s'inscrit dans un truc qui s'est vraiment passé peu ou prou comme ça. J'essaie de me mettre "à la place de" et apparemment ça a l'air de marcher.

Il faut vraiment attendre cette fois car j'ai besoin de l'autorisation de Abdel pour raconter la suite.
Je me demande si je ne vais pas prendre ça comme prétexte pour refaire un petit saut à Casa au début de l'automne.

Je vais continuer la suite avec Simo car j'ai trop envie d'écrire en ce moment. Je veux que cette histoire et les autres nouvelles postées un peu plus tôt soient réunies dans un nouveau bouquin. Il y aurait aussi des nouvelles que je n'ai pas voulu mettre sur ce forum car elles sont parfois très tristes et ça ne remonte pas le moral mais ça fait aussi partie de la réalité.

Je suis prêt à prendre tout mon temps pour ça. Bizenattendant

.......... Alors voilà le petit bout de phrase concluant le quatrième jour.....Retour ce soir là dans la maison des parents de Mohamed......


....Ils ont parlé un moment ensembles... Des mots pour ne pas l’abandonner comme ça. Et puis le père de Simo lui a proposé de raccompagner Abdel chez lui. Nous sommes resté en silence après leur départ. Ils se sentaient démunis.

Alors ils ont décidé de prier pour lui. Je me suis endormi au son de la voix profonde de Mostapha suppliant Dieu de redonner vie à leur ami...

Bon, alors voilà: impressionné que j'étais dans mon souvenir, j'ai nettement exagéré la taille d'Abdel le nageur. Il doit faire dans les 1m80, 85 au plus. De géant il redevient un simple beau mec bien bâti. On fera avec. Abdel je viens de le rencontrer à Casa. Nous nous étions donné rendez vous à la gare de Casa-Voyageur. "J'ai une barbe", que je lui ai dit en manière de signe distinctif au téléphone. "Moi aussi j'ai une barbe" qu'il m'a répondu en rigolant... Et des béquilles...

C'est vrai que du coup c'était pas possible de le rater, et moi non plus apparemment, avec ma tronche pâlichonne pas encore sortie d'un hiver impossible. Il s'est dirigé vers moi sans hésiter avant de m'embrasser.

"Monsieur Jean-Luc, c'est extraordinaire!, mais pourquoi ne pas m'avoir contacté plus tôt? on aurai pu passer la semaine ensemble. Tu serai venu dans ma maison de Sidi Kacem, c'est beau, c'est tranquille, juste au pied des petites montagnes, je suis bien là bas, Casa c'est trop pollué, trop de bruit. On va où? tu as mangé? Viens on va manger! non? tu veux boire quand chose? Oui? tu veux du thé? tu aimes le thé chiba? Viens, tu vas goûter le thé shiba et moi un coca. On prend le taxi: d'abord on s'arrête au café et puis on va chez moi. Ce soir on ira faire la fête..."

j'ai dû lui expliquer que je reprenais l'avion le lendemain matin, que ma soirée était retenue. Il n'a pas osé se fâcher mais il était contrarié. "Pourquoi tu ne me rencontres qu'au moment de partir?" Je lui ai répondu que j'avais tenu à préserver ma semaine pour le stage appareillage et que je voulais qu'on fasse connaissance avant de se voir plus longtemps, une autre fois.

"Tu sais que c'est une offense, dans ce pays, ce que tu me fait? Tu es sûr de ne pas vouloir annuler ton avion?

C'est ainsi que j'ai fait la connaissance d'Abdel. Une heure plus tard, dans un bistrot près de chez lui il me racontait sa vie........

Bonjour J-Luc,

je viens de remonte le fil entier de ce post. Je n'arrive pas à me situer dans le temps de ton récit.

Aujourd'hui tu nous narres ton entrevue avec Abdel

C'est ainsi que j'ai fait la connaissance d'Abdel. Une heure plus tard, dans un bistrot près de chez lui il me racontait sa vie........

Mais je me perds un peu,,,, je pensais que tu avais déjà rencontré cet homme chez Simo lors de son arrivée intempestive et bruyante -(l'ami alcoolique).

As-tu rencontré revu brièvement, Abdel lors de ton très récent séjour à Casa ? ou bien fais tu le récit de cette rencontre il y a plus longtemps...

Bon,, je suis perdue,,, je me languis de connaitre la vie de ce nageur olympique.

A +++

Ma pauvre Catherine , ça fait bien partie de mon très récent séjour. J'espère bien que cette rencontre, moins chaotique que la première, me permettra de reprendre le fil de mon récit lâché depuis un an.

Jean-Luc,

Et il y a un an, tu disais aussi :

jean luc a écrit: ... Je veux que cette histoire et les autres nouvelles postées un peu plus tôt soient réunies dans un nouveau bouquin. Il y aurait aussi des nouvelles que je n'ai pas voulu mettre sur ce forum car elles sont parfois très tristes et ça ne remonte pas le moral mais ça fait aussi partie de la réalité...

Est ce que tu as pu progresser sur ce nouveau bouquin ?
On peut compter sur toi pour que tu nous dises la date de parution, n'est ce pas ?

Merci
JP

Et bien, c'est ma seule progression; la rencontre de ce mec que j'avais normalement programmé pour l'automne dernier. Mais mon automne et mon hiver n'a pas été fameux.

Mais cette rencontre est un grand pas. Je ne pouvais pas continuer sans elle. Et Abdel est très motivé pour que je fasse ce bouquin, au point qu'il veut essayer de me trouver un éditeur.

Pas de date pour l'instant. Je m'attaque quand même à un truc pas si facile, même si ça va se faire, je pense.

Bon courage alors !

Oui, on sera patient, prends le temps !

Aller; on reprend; Lorsque El Biar Abdeljalil fut...


Lorsque El Biar Abdeljalil fut le troisième nageur de sa catégorie à toucher du bout de ses doigts le carrelage de la piscine olympique de Séoul, le 3 octobre 1988, il savait que sa vie venait de faire la culbute qu'il avait si minutieusement espérée depuis 10 ans à force d'un travail acharné dans le bassin de 50 mètres de Casa.

Cette gestuelle l'avait à la fois isolé et rapproché du reste du monde. De ces fameuses culbutes de la vie dont il rêvait il n'avait connu que celles, exécutées à la perfection lors de chaque virage, toutes les 30 secondes ponctuant la succession infinie du mouvement de ses bras; locomotive humaine surpuissante que ses jambes trop fines suivaient passivement dans un sillage sans remous.

Mais Abdel n'avait pas seulement préparé minutieusement ce 3 octobre. Il savait qu'il ne serait rien sans une solide connaissance de la langue Anglaise et française. Il avait bossé dur à l'école et une fois son Bac en poche il avait le monde dans sa main.

Invincible.

Il était encore trop tôt; Séoul ne serait qu'un tremplin. Pour la grande fête de Barcelone, qui quatre années plus tard verrait exploser le sport et les performances para-olympiques, Abdel sentait qu'il pouvait faire "le truc"; après avoir été le seul médaillé olympique de natation de l'histoire du Maroc il deviendrait champion olympique.

C'est en allant s'entraîner aux USA qu'il a rencontré sa femme. Union fragile. Après seulement une année de vie commune Abdel est rentré au Maroc, encore tout auréolé de son titre mais déjà un peu moins sûr de lui. Une de ses premieres initiatives a été de se rendre à Rabah, au palais royal

Dans le palais, vivait un jeune homme promis lui aussi à une destinée universelle. Il s'appelait Mohamed et était le fils du roi Hassan II. Abdel a été reçu au palais. Mohamed montrait beaucoup de respect envers les personnes handicapées et beaucoup d'admiration pour les performances d'Abdel. Ils sont devenus proches. Mohamed voulait qu'Abdel conquiert cette médaille d'or à Barcelone. Il lui a tout donné pour lui rendre la vie facile: une maison au pied des petites montagnes de Sidi Kacem, une petite valise pleine de billets de deux cents Dihrams, les fameux "billets bleus", une licence d'exploitation de bus, une licence d'exploitation de petits taxi et une belle voiture américaine. Abdel n'aurait plus jamais à se soucier des problèmes liés à l'argent.

Superbe récit.
Vivement la suite !

Là où vraiment je jubile c'est que ça me refait comme à l'époque où j'écrivais toutes mes nouvelles: je sais qu'elles sont là et qu'elles m'attendent. Dès que je serai disponible un moment dans la journée je n'aurait plus qu'à les transcrire avec soins; de ce quelque part formé entre la sommes des perceptions et le clavier.

Une belle américaine, ça se remarque quand tu la sorts dans ton quartier. Si tu te mets à la promener dans Casa ça devient assez vite assez délicat pour lui éviter les agressions et ça se distingue déjà un peu moins tellement la ville est sillonnée d'énormes 4X4, Porsches et autres Mercédès flambant neuves . Abdel s'entraînait moins et sortait plus. Son mariage d'outre Atlantique prenait désormais la tournure d'un divorce en règle. Sa voiture l'emportait de plus ne plus souvent devant les petits bars aux sous sols animés du quartier de la gare ou de Hay Palestin. Ses billets bleus lui valait de nombreux amis.

Par un bel après midi de printemps, nous étions en 1991, à 18 mois de l'échéance de Barcelone, alors que sa séparation définitive venait enfin d'être prononcée, la voiture d'Abdel lui refusa une reprise à l'angle du Boulevard Zerktouni et l'Avenue du 2 mars avant de caler pour ne plus redémarrer.

Tomber en rade à Casa n'est pas vraiment un problème. Il ne s'écoule guère plus de 10 secondes sans que ne passe devant toi un de ces petits taxis rouges éternellement rafistolés qui te conduisent dans toute la ville pour quelques Dirhams. Le petit homme qui s'est arrêté pour charger Abdel conduisait une vaillante petite Peugeot 205 à bord de laquelle il aida Abdel à se hisser, à caser ses jambes sous le siège avant, et ses béquilles en diagonale sur le siège arrière. Il exerçait la fonction d'Imam dans le quartier de Biné Landoun et se nommait Mustapha.

A peine ais-je fini de lire ce dernier passage,,, que j'aimerais déjà lire la suite ! Cela me plait beaucoup.

En s'emparant de la paire de béquille Mustapha avait senti son cœur se serrer. Il se demandait ce que ce grand type en costard assis à coté de lui avait bien pu faire pour se trimballer dans Casablanca avec une Cadillac.

Abdel lui a raconté le beau versant de sa vie:

"Je suis le champion Olympique de natation du Maroc!"

Et d'enchaîner sur son histoire déjà un peu usée: ses études brillantes, ses aptitudes en sport, ses voyages à l'étranger, sa médaille, et pardessus tout cela, son amitié avec le prince héritier...

Et brusquement Mustapha s'est arrêté sur le bas coté.

"Il y a un problème? Nous sommes en panne?"

Mustapha ne répondait pas. figé devant son volant il détournait légèrement la tête vers l'avenue. Abdel s'aperçut qu'il pleurait.

"Vous êtes malade? Vous avez besoin d'un médecin?

...J'ai toujours servi Dieu, je me suis toujours efforcer d'appliquer ses commandements et je n'ai jamais manqué une prière. Ma femme et moi nous voulions une grande famille et notre premier fils porterait le nom du prophète. Mais Dieu nous a envoyer un fils... mal-formé... avec un pied à la place du genou... je ne comprend pas... c'est comme une malédiction... depuis 9 ans je vis avec cette idée... qu'il ne pourra pas étudier comme je l'avais rêvé... qu'il ne vivra rien comme les autres enfants... qu'il...qu'il ne ferait jamais de jeux comme eux... courir dans la rue... sauter, et même faire des bêtises....et puis vous êtes là à me raconter votre histoire... vous avez réussi... vous êtes un champion, vous êtes reçu par le roi... je ne comprend rien...

Abdel était pétrifié. Depuis dix minutes il servait des paroles mile fois répétées avec la joie terne d'avoir à coté de lui un nouvel auditeur qui lui ferait oublier le temps d'une course en taxi la pente sur laquelle il se sentait glisser doucement. Et voilà que sans le savoir chacun de ses mots bouleversaient le cœur d'un homme.

"Emmenez moi chez vous. Je veux voir Mohamed."

Eh oui......53....... ce forum tient une comptabilité implacable....... c'est arrivé il y a huit minutes environ.........

jean luc a écrit:Eh oui......53....... ce forum tient une comptabilité implacable....... c'est arrivé il y a huit minutes environ.........

Bonjour J-Luc,, au risque d'avoir l'air de me répéter,,, j'apprécie beaucoup ce récit et je me languis de connaitre la suite.....

Bon anniversaire J-Luc, souffle bien tes bougies. Bonne journée ensoleillée.

Merci. Le soleil est un beau cadeau. Je viens de passer 10 minutes à contempler les fleurs du cerisier avec bourdons et abeilles en compagnie du chat en me buvant une Jenlain ambrée à votre santé.

ehhh non!!!! Cathy, trop dormi ce matin.....

Tu avais du sommeil en retard,, t'as bien fait
Bonne journée J-Luc,,,, ici grand soleil, pas encore grande chaleur mais on revit pour quelques jours,,, le w-end s'annonce juste pourri
A bientôt de te lire.

Après avoir bifurqué à l'angle du 2 mars et du Panoramic, Mustapha s'est engagé dans les petites ruelles de Biné Landoun.

Sitôt quitté les grands Boulevard, Casablanca, ressemble à un puzzle dont chaque pièce est un village fourmillant d'activité populaire. La ville s'est développé de façon quasi organique selon une progression opportuniste qui défie la logique du premier coup d’œil mais qui lui a permis, sans véritable plan d'urbanisation préalable, de faire face à tout ce que la vie communautaire peut créer de besoin. Les hommes sont venus d'abord et les plans ont été tirés ensuite. Vu d'avion, par temps clair au moment de l'atterrissage de l'Airbus A320, cela donne l'image d'un patchwork fait de quartiers résidentiels luxueux (le blanc et le vert) reliées entre eux par des bidonvilles (le gris argenté et le noir), de quartiers populaires (orange brique) côtoyés par les médinas (multicolores) et mis en coupes réglées par les grands boulevards (asphaltes), le tout bordé par les palais de la corniche (blancs), une petite couche de bidonvilles (encore!!) et le bleu de l'océan zébré d'écume.
Autour de Casa les champs sont verts ou jaunes, ça dépend de la pluie.

Mustapha à stoppé la voiture le long du trottoir devant une petite porte métallique ornée d'un losange noir sur un fond gris. Un arbre au feuillage vert pigmentait de taches d'ombre la petite cour inondée de soleil. Zarrha revenait du moulin avec son blé moulu dans une main et le petit Salah dans l'autre. Dans le petit séjour sombre de l'entrée se tenait la mère de Mustapha avec la petite Soukaïna dans les bras. Miriam, Siham et Mohamed n'étaient pas encore rentrés de l'école.

Après des présentations rapides les deux femmes s'éclipsèrent dans la cuisine et Mustapha invita Abdel à s'installer sur la banquette. Quelques minutes plus tard Zarrah revint avec le thé et des gâteaux. La maison respirait la paix. Il y avait longtemps qu'Abdel ne s'était pas senti aussi bien.

La porte métallique à claqué. Les enfants sont rentrés. Tour à tour ils ont salué l'inconnu. Mohamed marchait en se dandinant de droite à gauche et en pliant la jambe droite pour permettre à son pied gauche de prendre appui sur le sol. Son regard vif et son sourire radieux ont immédiatement frappé Abdel. Les filles partirent rejoindre leur mère. Mustapha invita Mohamed à rester avec eux.

Le plus intimidé des trois était Mustapha.

Bonjour J-Luc,

J'apprécie la description de Casa que je visualise très bien par tes mots.
Présentation de l'intimité de la famille, de quelques gestes du quotidien.
Je prendrai bien un peu de thé et gâteaux en leur compagnie.
Est ce que tu as écris la suite ??
Tu devrais bientôt entrer dans le récit de la relation Abdel - Mohamed - Mustapha pour la partie sportive ... je suppose ....je me languis de la connaitre.

A bientôt

Ton impatience me comble. Y aurait pas un smiley sous forme d'un gros chat ronronnant?

RRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRron!!!!!!!!!!

... "- Alors c'est vrai que tu as vu le roi?

- J'ai été reçu au palais mais je n'ai pas vu sa Majesté Hassan II. Le roi est trop occupé. Mais je connais le prince. Il s'appelle Mohamed, comme toi.

- -ça, je le sais. Il est vieux comme toi le prince?

- Et bien, il a 23 ans comme moi, oui. Il est très gentil. Il aime beaucoup les personnes qui ont un handicap, comme toi ou moi. Il aime le sport aussi. Tiens. regarde:

Abdel fouilla dans la poche intérieure de sa veste et sorti de son portefeuille une photo du prince héritier posant devant sa collection de Ferraris.

- Et moi si je fais du sport, il me recevra aussi le prince?

- Tu es un garçon très intelligent Mohamed. Avant de faire du sport tu doit réussir tes études. Passer ton bac. Tu peux devenir médecin ou ingénieur. Tu sais, les personnes comme nous savent souvent mieux se battre que les autres parce que rien n'est jamais gagné pour elles."

Mustapha ne disait rien. Ses yeux brillaient d'émotions. Lorsque Abdel à proposé à Mohamed de venir l'accompagner à la piscine olympique pour y apprendre à nager, je crois bien qu'il n'a pu retenir une larme.

Et en reprenant sa place dans la 205 au coté de Mustapha pour rentrer chez lui, il y avait deux personnages distincts en Abdel: Abdel good-swim, le champion olympique qui accompagnerait l'adolescence de Mohamed, et Abdel bad-swim qui ferait la tournée des bars de nuit, abandonnerait toute ambition pour les jeux de Barcelone, se marierait une deuxième fois, une troisième sans plus de succès, et finirait par perdre sa propre trace avant de tenter une cure de désintoxication pour se sauver in-extrémis de l'enfer dans lequel il avait plongé.



A partir de ce jour et plusieurs fois par semaine, on a vu ia petite 205 rouge faire un détour par la piscine olympique de Casa, tout près du Boulevard Soukrate à 4 km du centre de la ville, si tant est que cette ville ait un centre, pour y déposer Mohamed.

A partir de ce jour et plusieurs fois par semaine, on a vu à la piscine Mohamed V, deux drôles de silhouettes apparaître sur le seuil du pataugeoire ; Abdel et Momo, le grand et le petit, Abdel impérial malgré ses deux béquilles, et Momo au bras de ce géant, tout fier et pas intimidé pour un sous d’exposer ainsi en public et en maillot de bain sa jambe atrophiée.

Abdel a apprit à Mohamed à prendre appui sur l’eau, à inspirer avec force, à utiliser au mieux la jambe dont lui même avait perdu l’usage et l’autre pour équilibrer le corps… Alors Mohamed a fait peu à peu de l’eau son deuxième élément sans se soucier du regard des autres. Mieux que cela ; il a commencer a voir qu’on l’admirait. Mais surtout Mohamed voulait suivre Abdel dans la même voie que lui.

chouette !

Moi aussi j'aime
Merci Jean-Luc !

A cette époque c'est probablement le moteur défaillant de la Cadillac Blanche qui a maintenu Abdel en vie. Il lui suffisait d'apercevoir le petit Mohamed sortir du taxi de son père devant la Piscine pour oublier qu'il trahissait sa vie, le roi et Dieu, lui qui cinq année plus tôt était aller effectuer le pèlerinage à la Mecque qui l'avait fait Hadj Abel.

Ensembles, unis par l'eau chlorée de la piscine, ils renaissaient sans cesse.

Comme Abdel l'avait pressenti, Mohamed apprenait vite. En quelques année il vit son corps se modeler, son torse s'élargir. De ses puissantes épaules ses bras se déployaient comme des ailes qui ne cessaient de l'emporter toujours plus vite.

Mais Good swim s'éloignait tout aussi rapidement de bad swim. La double vie d'Abdel devenait intenable. Un jour il a cesser de se rendre dans le bassin olympique. Il ne supportait même plus de regarder nager Mohamed.

On ne l'a plus revu. Mohamed était âgé de 19 ans. Personne dans le bassin ne nageait aussi vite que lui. A la fin de l'année il passerait son Bac. C'était un des meilleurs élèves de sa section. Il pouvait facilement soutenir une discussion en français.

Et là on s'est rencontré.

Merci J-Luc,,,

Ma phrase préférée :

Ensembles, unis par l'eau chlorée de la piscine, ils renaissaient sans cesse.

Cette histoire et douce/amère : grâce à Good swin, un champion est né.
Quel dommage pour bad swin , que sa vie de ait basculée ainsi. A -t il repris pied dans sa vie ?

Bonne idée que Good swin et Bas swin

Est ce que ton récit fini là J-Luc ?

C'était lors d'une formation comme celle que j'animais lors de ce séjour. parmi la vingtaine d'appareils qui nous avaient été proposés à la fabrication le cas de Mohamed me posait un problème inédit: aucun axe à la bonne place, pas de couverture de hanche pour transmettre les forces d'appui au sol, et pour tout arranger un tibia qui se débattait dans cette cavité de la hanche au milieu d'éléments péri-articulaires distendus d'au moins six centimètres.

La formation avait duré dix neuf jours. Avec Hassan et Abdeljaoued nous sommes restés le dernier vendredi dans l’atelier des anciens combattants bien après le départ en week-end des derniers employés.

Pour Mohamed c'était la première fois qu'on tentait de réaliser un appareil articulé. Sa famille, trop pauvre pour payer un prothésiste privé, s'était adressé à Monique alors médecin du service qui avait inclus ce "cas intéressant" dans la formation. Et puis, elle non plus n'était pas insensible au sourire de Simo.

Cette formation de jeunes orthoprothésistes, ma première, c'était déroulé avec un très haut rendement et deux équipes successives de stagiaires extraordinairement motivées, même si la grève surprise qu'ils avaient mené la veille pour protester auprès de leur ministère de la santé de leurs mauvaises conditions d'hébergement m'avait laissé seul et particulièrement contrarié avec cinq patients dont il fallait livrer les prothèses, ce qu'il avait fallu remettre au lendemain.

Il était près de 21 heure. Alors qu'Abdeljaoued effectuait les dernières finitions J'étais parti chercher le livre "Nos dix mille bornes" fini d'écrire six mois plus tôt à propos de mon aventure en bicyclette pour l'offrir à Simo et lui parler d'un projet de raid VTT avec des amputés dans le Moyen-Atlas qui me trottait dans la tête depuis que j'étais arrivé ici.

Son regard s'est illuminé.

"C'est super!" et de rajouter; "avec l'appareil articulé je vais pouvoir faire du vélo!"

Nous sommes retrouvé le lendemain. Il portait l'appareil. De loin sur le trottoir de la rue Souktani je le voyais se tenir droit pour la première fois.

"Moi aussi j'ai un cadeau pour toi."

Il a cherché quelque chose dans sa poche et me l'a tendu. C'était sa première médaille de champion du Maroc handisport de natation. Il venait de la remporter quelques semaines plus tôt.

... A présent Abdel et mOhamed se tenait au milieu du salon et pleuraient dans les bras l'un de l'autre.

Abdel se redressa et posa ses mains sur les épaules de Mohamed. Il était légèrement dégrisé.

Le regardant droit dans les yeux il lui déclara:

"-Mohamed, tu dois terminer ce que j'ai commencé.

-Oui...

Puis s'adressant à Mustapha; "Tu peux me ramener chez moi?"

Il disparurent dans la petite cour de l'entrée. On entendit la voiture démarrer.

"Qu'est ce qu'on peux faire?" demanda Soukaïna.

J'étais exténué. Je suis parti me coucher sur la banquette. La tête enfouie sous les couverture j'entendais un murmure à quatre voix. Ils avaient décidé de prier pour lui. Je me suis dit que Mohamed avait dû tomber à sa naissance dans un panier de Djin ou de fées sans doute terriblement doués mais tout de même un peu distraits.

Fin du quatrième jour

MMM!!! des fotes et des phrases à refaire.

Je vous laisse pour dix jours. A plus. Jean luc

Merci J-Luc, a dans dix jours.

J'ai beaucoup aimé ce récit pour les liens tissés entre chaque personnage, et le souffle de vie qui y circule.
Merci J-Luc pour le partage.