LE CRI DU TÉTRAPLÉGIQUE, LE SOIR AU FOND DE SA CHAMBRE ...
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LE CRI DU TÉTRAPLÉGIQUE, LE SOIR AU FOND DE SA CHAMBRE ...
Quand vous êtes handicapé, comment faire pour survivre à ceux qui sont payés pour vous aider ?
Témoignage d’un lecteur de Charlie Hebdo à peine remis de l’offensive médico-humanitaire.
«Je suis tétraplégique. Mon état n’a pas évolué depuis quinze ans. Ah, si, pardon, j’oubliais… J’ai arrêté de fumer, j’ai réussi à réduire mes quinze heures de kiné hebdomadaires à cinq uniquement, je n’ai plus de séances de kiné-respiratoire, j’ai gardé un emploi, je me suis marié, nous avons deux superbes jumeaux, nous avons fait construire… Bref, je croyais m’être inséré dans une société, pourtant inadaptée, en devenant un citoyen presque normal. Car, ne l’oubliez pas, le rêve de tout handicapé est d’être normal, rien de plus, juste normal…
La dégringolade a commencé en mai 2006, quand j’ai signé un contrat avec une structure de proximité qui propose des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH). Une association, dont l’objectif, précisons-le, est de “développer et d’assurer l’autonomie de l’usager dans le respect de la personne”. Chaque matin, deux personnes devaient intervenir conjointement à mon domicile, dans le cadre de la toilette. À cette époque, mon épouse et moi-même avions encore le bonheur d’avoir une chambre normale, non médicalisée et agréable à vivre…
Les problèmes ont commencé quand une des intervenantes s’est meurtri l’épaule en me transférant du lit à mon fauteuil de douche. Dès le lendemain, un arrêt de travail est arrivé au SAMSAH. Et les grandes manœuvres ont commencé…
Le mois suivant, l’équipe a débarqué chez moi avec un lève-malade. Un gibet à roulettes, que j’ai refusé avec d’autant plus de fermeté qu’il était parfaitement inutile puisqu’il ne passait pas sous mon fauteuil. Malgré l’avis de mon entourage et dans le souci sans doute de paraitre évolué, j’ai néanmoins commencé à accepter l’idée qu’un lit médicalisé faciliterait mes ransferts lit-fauteuil.
Ma première déconvenue a été de découvrir que la Sécurité sociale ne connaît pas l’existence des lits médicalisés pour couples. Un handicapé est donc, par définition, considéré comme une personne ne pouvant vivre que seule, en attendant la mort tranquillement et sans rien demander à personne. Finalement — moyennant 4 000 euros, dont 1 000 de ma poche ,
nous avons quand même réussi à trouver la perle rare. Un lit d’apparence classique, mais adapté à la situation. Tout mon budget location de vacances y est passé…
Un autre type de problème est alors survenu. Pour aller de mon lit à la douche, il faut parcourir une distance de cinq mètres, pratiquement en ligne droite. (En effet, je n’ai pas encore réussi à persuader mon épouse d’installer un pommeau de douche au-dessus du lit.) Une fois que je suis assis dans mon fauteuil-douche, un des intervenants me tire en arrière pendant que le deuxième me maintient les jambes tendues en l’air, en prenant mes chevilles dans ses mains à hauteur de ses hanches. Et me fait rouler ainsi sur une distance de cinq mètres. Encore trop, sans doute, puisque c’est ce qui m’a valu la “responsabilité” d’un deuxième accident de travail, pour, cette fois, “pieds trop lourds à maintenir sur une trop longue
distance”. Inutile de préciser que le lève-malade a immédiatement refait son apparition dans les conversations…
Pour calmer une tension devenue palpable, j’ai alors investi dans un nouveau fauteuil de douche plus large avec quatre freins — les deux de l’ancien fauteuil ne leur permettant pas de “se sentir en condition optimale de sécurité” — et des cale-pieds. Coût de l’opération : 700 euros, dont 600 de ma tirelire vide. Évidemment, comme je n’ai toujours pas trouvé le moyen de mettre le sol à hauteur d’homme, il faut encore déposer mes pieds sur les cales et donc se baisser…
C’est alors qu’a démarré une nouvelle série de problèmes que je n’avais pas imaginés parce qu’on ne peut pas penser à tout… En achetant le lit médicalisé, j’avais suivi les consignes de professionnels en me dotant également d’un matelas “mémoire de forme”.
Las. Ce nouvel investissement de 600 euros s’est soldé par un résultat catastrophique. Non seulement mon épouse et moi-même n’avons jamais eu aussi mal au dos le matin, mais, en plus, les intervenants du SAMSAH nous ont signalé que ce matelas “mémoire de forme” les obligeait à fournir un effort plus important pour me sortir de l’empreinte dans laquelle je m’enfonce toute la nuit…"
Témoignage d’un lecteur de Charlie Hebdo à peine remis de l’offensive médico-humanitaire.
«Je suis tétraplégique. Mon état n’a pas évolué depuis quinze ans. Ah, si, pardon, j’oubliais… J’ai arrêté de fumer, j’ai réussi à réduire mes quinze heures de kiné hebdomadaires à cinq uniquement, je n’ai plus de séances de kiné-respiratoire, j’ai gardé un emploi, je me suis marié, nous avons deux superbes jumeaux, nous avons fait construire… Bref, je croyais m’être inséré dans une société, pourtant inadaptée, en devenant un citoyen presque normal. Car, ne l’oubliez pas, le rêve de tout handicapé est d’être normal, rien de plus, juste normal…
La dégringolade a commencé en mai 2006, quand j’ai signé un contrat avec une structure de proximité qui propose des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH). Une association, dont l’objectif, précisons-le, est de “développer et d’assurer l’autonomie de l’usager dans le respect de la personne”. Chaque matin, deux personnes devaient intervenir conjointement à mon domicile, dans le cadre de la toilette. À cette époque, mon épouse et moi-même avions encore le bonheur d’avoir une chambre normale, non médicalisée et agréable à vivre…
Les problèmes ont commencé quand une des intervenantes s’est meurtri l’épaule en me transférant du lit à mon fauteuil de douche. Dès le lendemain, un arrêt de travail est arrivé au SAMSAH. Et les grandes manœuvres ont commencé…
Le mois suivant, l’équipe a débarqué chez moi avec un lève-malade. Un gibet à roulettes, que j’ai refusé avec d’autant plus de fermeté qu’il était parfaitement inutile puisqu’il ne passait pas sous mon fauteuil. Malgré l’avis de mon entourage et dans le souci sans doute de paraitre évolué, j’ai néanmoins commencé à accepter l’idée qu’un lit médicalisé faciliterait mes ransferts lit-fauteuil.
Ma première déconvenue a été de découvrir que la Sécurité sociale ne connaît pas l’existence des lits médicalisés pour couples. Un handicapé est donc, par définition, considéré comme une personne ne pouvant vivre que seule, en attendant la mort tranquillement et sans rien demander à personne. Finalement — moyennant 4 000 euros, dont 1 000 de ma poche ,
nous avons quand même réussi à trouver la perle rare. Un lit d’apparence classique, mais adapté à la situation. Tout mon budget location de vacances y est passé…
Un autre type de problème est alors survenu. Pour aller de mon lit à la douche, il faut parcourir une distance de cinq mètres, pratiquement en ligne droite. (En effet, je n’ai pas encore réussi à persuader mon épouse d’installer un pommeau de douche au-dessus du lit.) Une fois que je suis assis dans mon fauteuil-douche, un des intervenants me tire en arrière pendant que le deuxième me maintient les jambes tendues en l’air, en prenant mes chevilles dans ses mains à hauteur de ses hanches. Et me fait rouler ainsi sur une distance de cinq mètres. Encore trop, sans doute, puisque c’est ce qui m’a valu la “responsabilité” d’un deuxième accident de travail, pour, cette fois, “pieds trop lourds à maintenir sur une trop longue
distance”. Inutile de préciser que le lève-malade a immédiatement refait son apparition dans les conversations…
Pour calmer une tension devenue palpable, j’ai alors investi dans un nouveau fauteuil de douche plus large avec quatre freins — les deux de l’ancien fauteuil ne leur permettant pas de “se sentir en condition optimale de sécurité” — et des cale-pieds. Coût de l’opération : 700 euros, dont 600 de ma tirelire vide. Évidemment, comme je n’ai toujours pas trouvé le moyen de mettre le sol à hauteur d’homme, il faut encore déposer mes pieds sur les cales et donc se baisser…
C’est alors qu’a démarré une nouvelle série de problèmes que je n’avais pas imaginés parce qu’on ne peut pas penser à tout… En achetant le lit médicalisé, j’avais suivi les consignes de professionnels en me dotant également d’un matelas “mémoire de forme”.
Las. Ce nouvel investissement de 600 euros s’est soldé par un résultat catastrophique. Non seulement mon épouse et moi-même n’avons jamais eu aussi mal au dos le matin, mais, en plus, les intervenants du SAMSAH nous ont signalé que ce matelas “mémoire de forme” les obligeait à fournir un effort plus important pour me sortir de l’empreinte dans laquelle je m’enfonce toute la nuit…"
HERVÉ BARSSE avec SYLVIE COMA
Suite dans le numéro 877de Charlie Hebdo, actuellement en kiosques.
Suite dans le numéro 877de Charlie Hebdo, actuellement en kiosques.
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Amputé tibial gauche traumatique. Prothèse : manchon 3 S, pied REFLEX VSP (Össur). Orthoprothésiste : Chabloz Orthopédie (Grenoble).
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