Pour présenter la situation: Naji vient, grâce à össur et Entr'aide, de devenir le premier maghrébin amputé équipé d'une lame de course C-Spring.
"La télé nationale venait de nous filmer à l'aéroport et souhaitait recommencer pour le JT du soir sur la corniche en bord de mer.
Pour l'heure nous avions rdv dans le bâtiment des anciens combattants, à l'ambassade de France, pour une interview au profit du quotidien francophone "le matin du Sahara" et la fille du rédacteur en chef qui venait elle même de me téléphoner pour rédiger le papier.
Mais Naji tenait à faire un détour par chez lui: c'était l'heure de la prière. "-30 mn!" m'a-t-il prévenu. Nous aurions donc 30 mn de retard.
Mais Naji, si il se fout royalement de notre emploi du temps, est plein de prévenance: il m'a installé sur le canapé devant la télé et j'ai pu me régaler des prières en boucle à la mecque, de gâteaux et de thé à la menthe préparés par sa mère.
Comme souvent au Maroc on se retrouve coincé dans le carrefour du sublime et de l'insupportable, c'est surement à cause de cela que j'adore tellement ce pays et que j'adore tellement Naji. Les évidences sautent joyeusement: ("-Tu vas faire la première page du premier quotidien national marocain avec moi qui ne suis qu'un gamin de la rue? un type sur une patte qui n'existe pour personne? très bien, on ira, mais la fille du rédacteur, si elle doit attendre une heure ou plus, elle attendra. Et si elle se barre tant pis pour elle! c'est elle qui perdra son article...")
Après la prière ce fut pour moi le tour du grand jeu de la conduite automobile du mec hyper pressé qui doit traverser la moitié de Casablanca. Aucune erreur n'est possible si on veux ramener la chère petite Polo de Patrice en vie, nous dedans, et accessoirement aussi les piétons, vélos et charrette envahissant les boulevards. On se croirait à l'intérieur d'une super Nitendo, un jeu dans lequel je me sens super bien mais qui tient de la folie pure...
Arrivé à destination on a gravi quatre à quatre les escaliers des anciens combattants, moi essoufflé et dopé par un taux d'adrénaline hors du commun, Naji en pépère tranquille et un peu absent.
La jolie Amina nous attendait depuis près d'une heure, pas plus contrarié ni surprise que cela.
Une fois installé Naji me fit un petit signe de la tête avec un air de me dire:
"Tu vois? on y est! ça n'était vraiment pas la peine de s'inquiéter."