Brume
Levé à six heure. Pissé aux étoiles.
Il reste encore des trucs que j'aime.
Silence. Café.
Et puis la brume ce matin
dehors, dedans, le souvenir des gens perdus, ceux que j’ai fui, déchiré en bouts de papier jetés au vent.
Ils volent, devant moi, et soudain les morceaux apparaissent au dernier moment, me collent au visage.
Hésitent, repartent, reviennent.
Partir.
Je glisse silencieusement.
Bouger, changer d'endroit, de tête, de décor.
Brume, plus épaisse encore.
souvenirs figés.
La route n'est matérialisée que par les feuilles tombées à terre, limitée par l'infiniment gris, opaque, au-dessus de la rivière immense, invisible.
Un sanglier, énorme, qui me barre la route, hésite avant de se dissoudre à nouveau dans la grisaille.
Un héron fait demi-tour en plein vol juste devant moi.
Mais les souvenirs, toujours.
Le brouillard s'en va, lentement, apparaissent les arbres, la montagne et les toits des maisons.
Le temps bascule, le passé s'évanouit.
Il arrive toujours, cet instant où tout s’évanouit.
La route s’élève.
Le vol plané d’une buse m’accompagne.
Le torrent, en dessous de moi, saute, rebondi, s’éclabousse, serpente au milieu des sapins bleus, des hêtres jaunes, des chênes rouges.
Je n’ai pas envie de pleurer de bonheur mais de beauté.
Juste une heure.
Envolée, descente, retour, jour qui décline, brouillard qui revient.
Souvenirs toujours, légèrement colorés.