Bonjour, moi c'est Arnaud, 44 ans, en couple et heureux père de 2 garçons de 8 et 11 ans. C'est la première fois que je viens sur ce forum alors que j'avais lu quelques magazines de l'ADEPA pendant mes périodes d'attente chez les orthoprothésistes à Kerpape (Centre de rééducation fonctionnelle proche de Lorient).
Je ne vais pas rentrer dans les détails qui sont plutôt désagréables mais j'ai perdu partiellement mes deux jambes en janvier 2017, lors d'un grave accident sur un chantier de terrassement (écrasement par une pelle mécanique chenillée de 25 tonnes). Je suis désormais amputé en trans-fémoral sur la jambe gauche, et en trans-tibial sur la jambe droite.
L'hospitalisation a duré 3 mois et la rééducation 6 mois (avec 1 mois de congés thérapeutiques). Je suis sorti de rééducation fin octobre 2017 et cela fait donc une année complète que j'ai repris ma vie "normale".
Pour être assez complet sur mon cas, je dois préciser qu'hormis les difficultés physiques liées à mon handicap, je ne suis pas atteint moralement. J'ai toujours été quelqu'un de positif et de jovial au quotidien (même si je suis très désagréable quand je bricole !!!
). Je n'ai aucune image traumatisante de mon accident, quand bien même je n'ai pas perdu connaissance. J'ai toute la mémoire des faits et de cette mauvaise journée, mais je n'ai rien vu et surtout chose la plus importante, je n'ai pas vu mes jambes accidentées.
Etre bien moralement a été fondamental pour ma rééducation. Je dois cela à la chance, à mon mental mais surtout à ma femme, mes enfants, mes parents et tous mes proches qui ont été d'un soutien sans faille lors de cette épreuve et encore aujourd'hui ! Je n'oublie pas bien évidemment les chirurgiens, les infirmières et tous les personnels hospitaliers, ainsi que tous les professionnels croisés à Kerpape !! Ces gens font un boulot extraordinaire et vous aident à guérir et à retrouver votre vie !
Le plus difficile pour moi est de marcher sur des terrains accidentés, irréguliers. J'ai globalement une autonomie de marche de l'ordre de 5 km par jour et environ 4 à 5 h en station debout. Des douleurs dorsales en bas du dos (lordose) arrivent fréquemment et m'obligent à fractionner ma journée entre station debout et être assis en fauteuil. J'ai également des douleurs sur la jambe droite ou gauche si je reste longtemps debout (c'est assez variable mais en général au bout d'une heure ou 1h30).
Côté activités : je pratiquais l'équitation et j'ai remonté à cheval à Kerpape. Expérience extraordinaire mais qui me montre qu'il va falloir être patient pour retrouver un niveau correct et en toute sécurité. Je marche régulièrement (le quotidien aide énormément). Je pratique la natation 1 à 2h par semaine, en cours classiques avec des valides. Cette activité est fondamentale car elle permet de muscler le corps sans risque. Je repars en pêche en mer avec un ami, même si je ne fais que monter dans le bateau et que je ne peux plus du tout l'aider à descendre l'embarcation ou à la treuiller.
J'ai pu bricolé à nouveau mais le plus difficile dans mon cas c'est de se pencher, de travailler au sol ou de porter des objets lourds ou encombrants. J'y arrive dans la limite de mes capacités et sinon on apprend à se faire aider même si ce n'est pas si simple à accepter au début !
Exemple de bricolage ou d'activité technique : tondre la pelouse (les retournements et les marches arrières sont difficiles et fatigantes), repassage, monter un lit et des rangements pour enfants, poser mes poignées de maintien dans les toilettes, changer une chasse d'eau avec dépose et repose du réservoir, peindre un mur, poser du papier peint, jardiner (toujours difficile notamment pour se pencher)...Eh oui la vie ne s'arrête pas après une telle épreuve ! Même si cela m'agace parfois, le plus gratifiant c'est quand ma compagne me reproche de ne pas en avoir assez fait dans une journée...elle "oublie" mon handicap et c'est finalement plaisant !
Sur le plan professionnel, je suis ingénieur géologue et je travaille à mon compte depuis 2010. J'ai enfin pu reprendre mes activités depuis le début septembre 2018. A mon rythme et en fonction de mes possibilités. Comme évoqué plus haut, marcher sur des terrains accidentés reste compliqué. Je me déplace normalement chez moi et j'utilise une canne en extérieur, même si avec plaisir, je me rends compte que je l'oublie de temps en temps. Je reste conscient de mes difficultés et si j'oublie ma canne, je ne suis pas bloqué mais je dois redoubler d'attention pour marcher. En ville, les dévers, les bateaux pour les sorties de voiture, les chaussées déformées sont des obstacles agaçants mais franchissables avec de l'attention. Monter un trottoir ou un escalier ne pose pas de souci...les descendre en revanche est plus difficile : n'ayant qu'un genou naturel, je n'ai pas de "frein" à la descente. Donc prudence...et c'est pareil pour les pentes : les montées sont fatigantes (j'arrive à passer 7 à 8 % de pente) mais les descentes toujours compliquées au-delà de 3 à 4 %...
Pour finir, je retiens la phrase de ma kiné à Kerpape, Fabienne : "Tu pourras tout refaire, mais différemment"...elle avait raison, tout est plus compliqué mais peu de choses sont irréalisables. Il faut le vouloir tout en restant conscient de son handicap pour ne pas prendre de risque inutile. Autre leçon importante : je pensais que j'avais atteint l'optimum de ma rééducation en sortant de Kerpape et je me trompais lourdement : le quotidien, si on veut se donner la peine, est un formidable outil de progression. J'ai largement augmenté ma capacité de marche, mes possibilités techniques. Exemple : en sortant de Kerpape, je ne pouvais pas me pencher en avant sans ma canne. Aujourd'hui, je peux ramasser une feuille de papier posée sur le sol, en me penchant doucement et en faisant attention (sans canne). J'ai pu marcher entre 7 et 8 km lors d'une journée au Puy du Fou, quand mon record était de l'ordre de 4 km à Kerpape. Je peux porter des objets assez lourds (5 à 10 kg) alors qu'à Kerpape j'avais du mal à tirer debout avec un arc...aujourd'hui cela me paraitrait presque un jeu d'enfant !
J'oubliais de préciser mon équipement prothétique : Genou Rheo Knee + Vari-Flex à gauche / pied Vari-Flex 0 DROITE + emboîtures contact sur les deux jambes.
Au plaisir de vous lire !
Arnaud