sarah rentre d'un somptueux voyage scolaire en Sicile et sur quelques autres îles sous lesquelles couvent les volcans.
L'avant dernier soir il y a eu la fête.
- Et tu sais quoi, j'ai dansé mon premier slow!
-Avec le garçon que l'on a vu avec toi dans le bus?
-Non, avec mes douze ans, aucun garçon ne m'a invité à danser (Sarah rend deux années à ses camarades de quatrième) c'est finalement Raoul, le prof de chimie qui m'a invité.
-Et t'était pas dégoûtée de danser avec un vieux?
-Ça avait ses bons cotés, et puis lorsqu'il lui viendra l'envie de m'engueuler en cours je pourrais lui rappeler: Voyons Raoul, souvient toi, les slows qu'on à dansé ensemble!
Sarah se lève. Les yeux encore vaseux elle se dirige vers le frigo.
"plus de jus de fruits multivitaminé"
De dépit elle opte pour le jus de pomme, trop acide à son goût et commence consciencieusement à étaler son Nutella sur son pain de mie. ce geste séculaire lui remet une ou deux neurones en place. Elle décide de lancer la conversation.
"La vie est ennuyeuse. La vie est une routine. On mange, on dort. Nos actes, nos distractions nous condamnent à répéter les mêmes geste aux mêmes périodes de l'année. La nature elle même obéit à une routine".
Sarah y va quelquefois un peu fort lorsque je bois mon café à 7h du mat mais il n'est pas dit que je me soustrairait à mon rôle paternel.
"Tu sais Sarah (elle reprend du Nutella avec la pointe de son couteau), le fait même que tu prends conscience de cet état de fait (dans un effort surhumain elle décide de rester polie et de m'écouter) te permet de chercher et de trouver les ressorts qui te feront échapper à cette routine."
Elle me regarde, yeux dans le vague. Sont corps semble soudain s'être dissocié. Ses mains continuent d'étaler le Nutella mais son esprit est absorbé parce que je tente de lui expliquer. J'adore ces crises existentielles.
"Et c'est pour celà, tu crois qu'en ce moment même je suis en train de m'étaler le Nutella sur les mains?"
Sarah est en train de terminer son travail d'art plastique. Il s'agit d'une petite boite de carton ondulé peinte en orange. Elle ferme mal malgré la petite ficelle blanche qui retient le couvercle. A l'intérieur, un vieux magnétophone aux poulies grinçantes mastique un air de Yahn Tiercen, puis la musique du film; joyeuses funérailles. Une vieille paire d'écouteurs est collée sur le coté comme un stétoscope. Au dessus on peux feuilleter un album de photos; des chevaux, ses meilleures copines, le dessin d'une petite montagne, d'une lune et d'une étoile grifonnée à la hâte. Il manque une des cinq couleurs de l'imprimante. Sur la première page de l'album on peux lire; Mes souvenirs sont des vies ou des mirages...
Ensembles, nous sortons de la réunion parents profs. Le professeur de français nous a expliqué qu'en troisième un des objectifs était de pouvoir sortir un texte cohérent, et que Sarah qui vient juste de fêter ses treize ans n'était peut-être pas encore assez mature.
A la sortie Sarah a murmuré
"immature !? je l'emmerde, moi"